Résumé – Avons-nous trop de pétrole et de gaz ou doit-on craindre que nos réserves ne soient pas suffisantes ? Ce que j’explique ici, c’est que nous avons beaucoup trop de charbon, de gaz et de pétrole, et les discours qui poussent à la crainte vis à vis de la décrue des réserves sont rétrogrades. Dans le cas du pétrole, ils restent assez courant. Ils sont une manière, consciente ou pas, de déplacer l’inquiétude en dehors du champ du problème climatique et des solutions crédibles qu’on peut lui apporter. Ils permettent indirectement de justifier le maintien d’un statu quo sur le pétrole et parfois même de justifier des nouvelles explorations. J’explique dans une seconde partie que la vraie difficulté dans la transition n’est pourtant pas le développement des alternatives au pétrole mais plutôt la coordination mondiale pour éviter d’utiliser tout ce qu’on a et les légers différentiels de compétitivité qui peuvent exister sur certains usages en absence de coordination. En Europe il y a beaucoup de choses à faire qui sont dans notre intérêt, coordination ou pas, afin d’accélérer la sortie du pétrole. Une première chose simple à faire en France à court terme, en plus de développer les véhicules électriques, serait de mettre un prix plancher sur le pétrole à la pompe via une TIPP flottante.
Trop de fossiles
Il y a quelques jours, un étudiant à qui l’on avait longuement parlé de pic pétrolier a semblé étonné que je puisse dire que le problème était justement que nous avions trop de ressources fossiles : trop de gaz, trop de pétrole et trop de charbon. C’est un fait scientifique connu depuis longtemps, largement documenté et mis en évidence, par exemple, dans cet article publié dans le journal Nature en 2015. Ce sujet est sans doute plus médiatisé aujourd’hui à travers celui des « bombes climatiques ». . Si nous souhaitons maintenir la hausse des températures en dessous de 2°C, nous ne pouvons consommer qu’une fraction des réserves prouvées de pétrole, de gaz et de charbon. L’article de Nature en propose alors une répartition et le Guardian en avait publié une bonne infographie. Depuis 10 ans, âge de l’article, il est clair que ce constat n’a pu qu’empirer : notre budget carbone (ce que nous pouvons encore émettre d’ici 2050 pour rester en dessous des 2°C de hausse) a été considérablement réduit depuis 2015. Dans le même temps les réserves prouvées de pétrole et de gaz ont augmenté.
Les réserves de fossiles et leur évolution.
Le concept de réserve est subtil et pour mieux comprendre de quoi il retourne, on pourra lire ces articles récents de Connaissance des énergies qui parlent du cas du pétrole, du gaz et du charbon. Pour ce qui est du charbon, les réserves prouvées décroissent depuis quelques temps déjà mais elles sont en volumes beaucoup plus grandes que celles du gaz et du pétrole réunies. Si l’on s’en réfère au BP Statistical Review de 2021, on peut dire que malgré notre consommation importante, les réserves prouvées de pétrole et de gaz se maintiennent voir augmentent légèrement ces 10 dernières années. Les réserves prouvées de Gaz naturel se maintiennent autour de 190 Mm^3 alors que la consommation mondiale est d’environ 3.5 Mm^3/an. Pour le pétrole, les réserves prouvées sont également relativement constantes, autour de 1700 milliards de barils, alors que la consommation mondiale est autour de 35 milliards de barils par an (voir Wikipedia). Cela fait un gisement d’environ soit environ 1900 PWh pour le gaz et 2700 PWh pour le pétrole.
Il y a des disparités géographiques importantes sur les réserves. Guerre et Paix. qui sont bien connues et documentées. Pour un une vision d’ensemble actualisée de celles-ci, on pourra regarder les 5 premières minutes de l’excellent décryptage fait par le dessous des cartes. Ces disparités sont une source de tension, mais elles ont aussi poussé certains à maintenir la paix. Les Etats Unis sont par exemple d’assez grands producteurs depuis longtemps mais ils ont toujours cherché à maintenir des relations avec les pays du golf pour maintenir l’approvisionnement de leur propre pays ainsi que celui de leurs partenaires commerciaux (par exemple les Européens). C’est ce qui fait dire à certains que le pétrole est un moteur de la paix. C’est une des thèses centrales du dernier livre de Pierre Charbonnier “Vers l’écologie de guerre: Une histoire environnementale de la paix” qui parle de “Paix Fossile”). Il est pourtant également clair que beaucoup de pays ont fait la guerre pour s’accaparer des ressources (dont les Etats Unis et la Grande Bretagne au moyen orient). Le livre de Matthieu Auzanneau “or noir la grande histoire du pétrole” est très complet sur ce point. On pourra également visionner cette revue historique ici. Rappelons que le pétrole génère des profits considérables qui se retrouvent concentrés entre quelques mains. Cette concentration des richesses n’est pas toujours un facteur de paix et de démocratie. Je ne pense pas que l’on puisse dire que l’avènement du pétrole soit plus un facteur de paix qu’un facteur de guerre. De même je ne crois pas qu’il soit un élément particulièrement essentiel pour l’avènement de la démocratie (qui date d’une époque où nous n’avions pas de pétrole), même si le sevrage que nous devons entreprendre est une épreuve à plus d’un titre.
Les disparités peuvent rendre difficile l’action, mais elles peuvent aussi l’accélérer : des pays qui n’ont pas trop de pétrole (comme nous) peuvent vouloir que l’on apprenne à s’en passer. Parfois, la décrue des réserves peut pousser de grands acteurs à l’action, mais ce sont aussi les alternatives qui permettent d’avancer. Par exemple la Chine est de loin un des premiers producteur de charbon mais a des réserves de charbon limitées par rapport à des pays comme l’Australie ou les US. Elle a aujourd’hui un programme de développement des renouvelables et du nucléaire qui est de loin le plus ambitieux au monde, et il avance, même si le charbon a encore une place trop importante. Dans le même temps, malgré leur gisement immense, l’Australie et les US ont déjà mieux entamé leur sortie du charbon que la Chine. Les US utilisent le pétrole et le gaz, l’Australie ont encore du chemin à faire et semblent faire le choix des renouvelables. Sur la sortie du charbon on pourra lire cet article.
Figure 1 – Répartition des réserves dans le monde. Sur ce sujet et ses implications géopolitiques, voir les 5 premières minutes de la vidéo du dessous des cartes déjà mentionnée dans le texte.
Le recul des réserves de pétrole et de gaz s’annonce. Les réserves prouvées évoluent avec l’argent que l’on peut y mettre, mais depuis des années déjà on observe que les plus grandes découvertes sont derrière nous (peut-être à l’exception des gisements Arctiques aussi lié à la fonte des glaces). La baisse des réserves due à notre consommation est encore compensée par les nouvelles découvertes permises pas des investissements qui restent importants, mais on peut bien dire que nous sommes déjà sur une pente descendante et en plus d’être de plus en plus chères, les nouvelles découvertes nous font prendre de plus en plus de risques, à la fois sur le plan économique et environnemental (gisement off-shore en eau profonde, récupération dans les puits existants par injection de CO2, gaz et pétrole de schiste, gisement sur les pôles … ). Cette baisse des rendements et cette augmentation des risques sont discutées depuis longtemps dans la littérature et c’est ce dont parle par exemple l’historien Joseph Tainter dans son livre “Drilling Down: The Gulf Oil Debacle” suite à la catastrophe de Deep Water Horizon en 2010 dans le golfe du Mexique.
Mais il s’agit plus d’un plateau que d’un pic, mauvais signe pour le climat. Pour autant, sur la plan climatique, on peut dire que le problème posé par la surabondance des réserves fossiles est plus important aujourd’hui qu’il y a 10 ans. Nous arrivons lentement à un maximum sur le pétrole et sur le gaz mais il ressemble plus à un “plateau” qu’à un “pic”. Tout est une histoire d’échelle me direz vous. Mon propos n’est absolument pas de chercher à dater quelque chose ni à dire si il s’agit d’un pic ou d’un plateau mais surtout de rappeler à quel point les réserves mondiales de pétrole et de gaz devraient inquiéter par leur surabondance beaucoup plus que par leur décroissance si l’on souhaite vraiment parvenir à limiter l’impact du dérèglement climatique.
Nous avons indiscutablement beaucoup trop de pétrole de gaz et de charbon. Pour le pétrole comme pour le gaz, les réserves restantes sont plus importantes que ce que nous avons consommé depuis les années 70. Ainsi, la conclusion de l’article de Nature est déjà contenue dans la Figure 1 ci-dessous où sont représentées les émissions de CO2 passées selon leur origine puis leur évolution future désirables. Le CO2 que nous avons émis depuis les années 1970 de par notre utilisation du gaz et du pétrole dépasse déjà de loin ce que nous pouvons émettre dans un scénario à 2°C. En effet, entre 1970 et fin 2024, les émissions cumulées de CO2 sont de 250 Gt CO2 pour celles du au gaz et de 540 Gt CO2 pour celles dues au pétrole. En face, notre budget carbone, c’est à dire ce que nous pouvons émettre entre début 2025 et 2050, est autour de 800 Gt si l’on vise un réchauffement à +2°C et de 300 Gt pour +1.5°C (valeurs obtenues en prolongeant celles du résumé pour décideurs du GIEC de 2023 qui donne le budget carbone en 2019). Tout cela est sans compter les deux mastodontes qui dominent l’équation : le charbon (550 Gt CO2 émises depuis 1970 et encore aujourd’hui la source d’émission principale) et les émissions des autres gaz à effet de serre que le CO2 (méthane, protoxyde d’azote, …) même pas représentées ici.
Figure 2 – Evolution des émissions de CO2 dans les scénarios compatible avec une limitation de la hausse des températures à 2°C. D’après le résumé pour décideurs du GIEC de 2023.
L’action climatique impose de provoquer le pic pétrolier et gazier
Il faut provoquer le pic pétrolier et gazier. Sans aller jusqu’à dire que le pic pétrolier n’aura pas lieu, il faut tout faire pour qu’il soit dû à nos politiques climatiques mondiales et surtout pas à notre consommation de pétrole et de gaz. Il faut provoquer de toute urgence la décroissance de notre consommation de pétrole, de gaz et de charbon. Il y a pour cela deux difficultés : d’un côté il faut développer des alternatives technologiques en même temps que la sobriété des usages et de l’autre il faut nous empêcher d’utiliser ce que nous avons sous les pieds. Vis à vis de ces deux difficultés, les disparités mondiales sont très importantes et rendent le problème encore plus ardu. Certains pays qui n’ont pas de pétrole vont être plus enclins à diminuer leur consommation mais ceux qui en ont vont vouloir continuer à utiliser leur trésor, et celui-ci aura d’autant plus de valeur que les alternatives tarderont à se développer, chez eux et ailleurs. Vis à vis de la question du pétrole que l’on a sous nos pieds dans différents pays du monde, il faut peut-être admettre que le pétrole “pas cher” sera consommé, mais il faut tout faire pour éviter de lancer de nouvelles extractions et en particulier les plus couteuses. Notons que lorsque le prix du pétrole descend assez bas certains producteurs sont susceptible de couper leur production, que ce soit pour ne pas vendre à perte ou dans l’espoir de vendredi plus cher plus tard, c’était le cas après la crise de 2008. Cela arrivera si la demande baisse aujourd’hui et si nous développons les alternatives. Il faut donc tout faire pour développer nos alternatives, pousser la sobriété et encadrer tout cela par une politique fiscale adapté. Mais évoquons d’abord rapidement le développement des alternatives
Le gros morceau pour baisser la demande à court terme c’est le fioul de chauffage et surtout le carburant des voitures. De quoi parle-t-on ici en termes d’alternatives ? C’est d’abord l’électrification directe du transport et de la chaleur. Tout d’abord il faut comprendre quels sont nos usages : en France et dans le monde ils sont représentés Figure 3. Le gros morceau c’est bien la consommation de pétrole dans les voitures et camions. Et pour cela il faut développer au plus vite le véhicule électrique et l’industrie qui va avec sans que cela s’oppose à la sobriété nécessaire (voir nos posts ici et là). Pour l’industrie, il s’agit d’électrification de la chaleur et cela peut également avancer à court terme. Pour le plastique (une bonne partie des “non energy use”) c’est un secteur complexe, parfois annoncé comme une des planches de salut des pétroliers, mais avec un volume réduit en termes de consommation (environ 15% dans le monde et en France). Surtout il existe beaucoup de choses possibles dans le secteur très complexe du plastique, à la fois sur court terme et le long terme, nous les discutons largement dans ce rapport Zenon sur le plastique. Aujourd’hui la navigation se tourne vers le gaz et devrait aller à moyen terme vers le méthanol et à long terme sur l’ammoniac (voir notre rapport Zenon sur l’ammoniac, un autre est à venir sur le transport maritime plus généralement où des économies d’énergie sont aussi possibles grâce à l’utilisation de voiles). Pour ce qui est de l’aviation long courrier (le gros des volumes) il faut admettre que c’est là que la difficulté est la plus grande, et que la sobriété (moins voler) est sans doute le premier levier, même si d’autres leviers ne peuvent pas être oubliés (voir le rapport Zenon sur les SAF). Sur la question de sobriété nous renvoyons aussi à notre dernier post ici.
Figure 3 – répartition des usages de notre consommation de pétrole, dans le monde (à gauche) et en France (à droite).
La difficulté n’est pas de développer des alternatives au pétrole. La difficulté c’est la coordination mondiale
Je ne pense pas que le développement des alternatives soit une difficulté majeure. Les technologies sont connues pour la plupart. On sait comment les développer en Europe et dans beaucoup de pays du monde. Faut-il vraiment répéter de quoi il est question ici ? Côté production : électricité bas carbone (beaucoup de renouvelables mais aussi un peu de nucléaire), et dans une moindre mesure biomasse. Côté consommation : électrification directe autant que possible (transport, chauffage, industrie), un peu indirecte (avec l’hydrogène dans l’industrie et peut-être dans le transport) mais aussi sobriété et efficacité. La difficulté sur le développement des alternatives est plus grande dans les régions du monde qui n’ont pas les moyens ou qui ont d’abondantes ressources fossiles. La coordination mondiale est LA difficulté numéro 1, de très loin : se coordonner pour accompagner ceux qui n’ont pas les moyens dans le développement des alternatives, se coordonner pour empêcher ceux qui ont des ressources fossiles de les utiliser, se coordonner pour éviter que les industriels non vertueux au niveau mondial écrasent ceux qui essaient de respecter les normes environnementales. Cette coordination se fait par la discussion, les COP, les compensations financières, les pressions politiques, la recherche d’un alignement des intérêts, les organisations à différentes échelles d’espace (réseau de villes, pays, régions du monde, associations d’industriels, de citoyens du monde …). Ne sous-estimons pas cette difficulté majeure. Coordonner 7 milliards d’individus qui ont des ressources très mal réparties, pour avancer dans cette transition nécessaire, est très difficile. Jusqu’où devrons nous aller pour imposer la transition ? Philippe Charbonnier, dans son livre déjà mentionné, affirme que nous avons peur de la Guerre. La nouvelle d’anticipation de Philippe Zaouati “Discours sur l’état de l’union” est intéressante à ce sujet.
L’action “locale” peut favoriser la coordination mondiale. Les choix que nous faisons pour nous-même infléchissent aussi les évolutions mondiales. Par exemple, l’Europe a un rôle majeur à jouer vis à vis de la baisse actuelle des cours du pétrole (due à la baisse de la demande en Chine, et aux US : allons nous relancer la demande pour renflouer les caisses des pétroliers et leur donner une chance d’investir à nouveau pour relancer la production mondiale ? ou allons nous profiter de cette baisse pour mettre de l’argent de côté afin de développer les alternatives au pétrole et précipiter la surabondance de l’or noir et la baisse des cours. Comment faire en sorte que cette baisse des cours n’amène pas une sur-consommation ailleurs ?
En France nous avons besoin de pousser l’électricité, il faut à minima mettre un prix plancher sur le pétrole. On entend beaucoup parler en ce moment de l’argent qu’il nous manque, et l’on sait qu’en partie cette difficulté que nous avons aujourd’hui a été causée par le bouclier tarifaire qui a permis d’éviter une trop forte hausse du coût de l’énergie (pétrole, électricité, gaz) pendant la crise. Dans le même temps, l’équation budgétaire difficile que nous devons résoudre dans la mise en place de la nouvelle loi pour redresser les finances publiques amène certains à de taxer un peu plus l’électricité. On sait pourtant combien la décarbonation nécessite d’avoir à la fois une visibilité sur les prix long terme sur l’électricité et une électricité à prix maitrisé. C’est pour cela que le gouvernement demande des « efforts » à EDF aujourd’hui.
Mais qui parle de mettre un prix plancher au pétrole ? Pourtant la méthode est simple, il suffirait d’instaurer une TIPP flottante, comme dans les années 90 et 2000 alors que nous voulions éviter les hausses de prix. Car nous avons financé le bouclier tarifaire pour éviter la hausse des prix et maintenant que le prix du pétrole à la pompe baisse on paye moins de 1.5 €/l de gazole la où c’était plutôt 1.8€/l il y a un an. La baisse va se poursuivre, et le gouvernement va augmenter les taxes sur … l’électricité (voir à ce sujet l’excellent article de Christian de Perthuis).
Comme nous l’avons expliqué plus haut, un enjeu majeur est justement de tuer les investissements pétroliers en évitant que la demande remonte lorsque les prix baisse. Or, la demande baisse aujourd’hui (pour des raisons indépendantes de la transition) et la demande baissera plus tard, avec la transition. Mettre un prix plancher sur le pétrole est une opportunité à court terme et un levier indispensable à long terme;
En France nous gardons un attachement au pétrole.
En France la question ne devrait pas être si complexe puisque nous avons peu de ressources et que le pétrole pèse sur notre balance commerciale (50 milliards en 2022 sans doute autour de 30 milliards/an les années précédentes). Mais il faut aussi noter que nous avons une grande entreprise qui tire des bénéfices importants du pétrole. Il s’agit tout de même de quelque chose entre 15 et 20 milliards par an depuis 2010 pour TotalEnergies. C’est une somme qui ne doit pas beaucoup contribuer à rehausser la balance commerciale puisque Total affirmait qu’il n’était pas possible de taxer les super-profits faits pendant la crise car ceux-ci n’étaient pas beaucoup faits en France. Patrick Pouyané en 2017 était “convaincu que nous allions manquer de Pétrole”, et disait plus récemment que “croire au grand soir des fossiles c’est dangereux”. Les français ne sont pas dupes, c’est le patron de TotalEnergies mais le message a plus de poids lorsqu’il vient d’un expert indépendant de l’énergie défenseur du climat (voir cette vidéo de 2023). A l’inverse, Didier Holleaux qui a été vice président d’ENGIE rappelle dans l’introduction de son (excellent) livre “La véritable histoire du gaz” que nous avons trop de gaz et de pétrole.
Finalement, le souvenir des gilets jaunes pèse également sur les mémoires et empêche les politiques et les citoyens français de croire dans la faisabilité et la nécessité d’une décrue rapide de notre consommation de pétrole. Au fond, c’est la manière dont un prix du pétrole élevé pèse sur les classes les plus démunies qu’il faut maitriser. D’une part cela n’augmente pas le prix du pétrole comme à l’époque des gilets jaunes et d’autre part ce type de mesure doit s’accompagner d’une aide comme le “chèque énergie”. Ce ne sont ni les classes populaires ni la France qui bénéficient de notre dépendance actuelle au pétrole, mais sans accompagner les plus démunis il sera difficile d’avancer. Heureusement, l’Europe nous pousse à l’ambition, comme souvent sur les questions environnementales, et l’interdiction à venir de la vente des véhicules neufs fonctionnant au pétrole donne une vraie visibilité qui peut ralentir les investissements dans de nouveaux puits de pétrole qui pourraient bien devenir rapidement des actifs échoués.
Des amateurs du pic pétrolier très actifs en France. Je pense que l’analyse de l’évolution de la disparité des ressources de pétrole et de gaz, ainsi que les questions géopolitiques sous-jacentes sont importantes et doivent se poursuivre en France et dans le monde. A ce titre je regarde avec intérêt les publications de l’association française pour l’étude du pic pétrolier, “l’ASPO”. Pour autant, je trouve singulier que la question du pic pétrolier fasse encore autant discuter dans le milieux des experts de l’énergie et la dynamique portée par l’ASPO a tout de même quelque chose de très rétrograde. Cela contribue à accroitre nos problèmes : des passionnés de la question du pic, des philanthropes amoureux de la courbe de Huber qui cherchent depuis des années à partager leur inquiétude sur les stocks restants. La liste de ses membres est instructive, elle n’est pas seulement constituée de quelques inquiets, et l’on y trouve aussi des esprits avisés qui jugent sans doute utile de perpétuer une forme d’angoisse vis à vis du pic. Leur discours est assez simple, et je dirais que leur travail est efficace puisque vous-même qui me lisez, il y quelques chances que vous pensiez au fond de vous-même que : (1) le pétrole s’épuise et cela va nous poser des problèmes car (2) il est indispensable au maintien de notre société démocratique (les gilets jaunes n’en sont-ils d’ailleurs pas la preuve ?) et (3) qu’il n’y a pas d’alternative crédible (le pétrole est si concentré, si pratique et si peu cher !). Je ne dis pas que les questions relatives à ces trois affirmations sont triviales mais malheureusement, si le résultat d’une telle réthorique échappe à certains, il en est d’autres qui l’ont bien compris : on évitera toute régulation trop marquée (pourquoi réguler, par exemple avec un prix plancher, si le pétrole s’épuise seul, qu’il est indispensable et qu’il n’y a pas d’alternatives) on pourra justifier quelques nouvelles exploitations (il en va de la puissance de notre pays n’est-ce pas ?). Je reviendrai sur le point (3) dans un post ultérieur mais on pourra consulter l’excellent livre de Cédric Philibert sur la nécessité de déployer rapidement les voitures électriques. Il faut en effet qu’elles ne soient pas trop grosses, et favoriser l’utilisation des transports en commun et du vélo, mais l’électrification de la flotte de véhicules est une nécessité et elle peut se faire assez vite. Pour aujourd’hui, j’espère juste que l’on s’accordera sur le fait que le pétrole ne s’épuise pas assez vite, et qu’il en est de même de la communication rétrograde sur ce sujet.